Citoyens sous (vidéo)surveillance Communiqué de la Ligue des Droits de l’Homme Et pourtant, même un rapport du ministère de l’Intérieur montre que la vidéosurveillance n’entraîne pas de baisse significative des chiffres de la délinquance : l’impact des caméras est faible, jamais durable et vite contourné. Au Royaume-Uni, qui en compte plus que dans tout autre pays européen, Scotland Yard conclut encore plus nettement à leur inefficacité dans un rapport publié en 2008. Et la ville de Miami, comme bien d’autres aux Etats-Unis, procède à la désinstallation de toutes les siennes… Aucune caméra ne peut remplacer la présence humaine dans la sécurisation des lieux qui nécessitent une surveillance particulière et qui ne sauraient se multiplier à l’infini. Inefficace et coûteuse, l’inflation de la vidéosurveillance est surtout liberticide. Non seulement l’enregistrement de l’image d’une personne sans son consentement est une atteinte à la vie privée, protégée par la Convention européenne des droits de l’Homme et par l’article 9 du Code civil, mais le projet de suivre en permanence les allées et venues de chacun n’est pas compatible avec une société de libertés. Les images enregistrées peuvent être utilisées à toutes sortes de fins illégitimes : grâce à elles, certaines entreprises surveillent leurs salariés jusque dans leur intimité et aussi les délégués syndicaux, comme certains régimes autoritaires traquent leurs opposants politiques. Prétendre que celui qui n’a rien à se reprocher n’a rien à craindre de la vidéosurveillance, c’est faire de chacun de nous un suspect potentiel qui devra s’expliquer sur sa présence là où on l’a filmé à son insu, remplacer le principe constitutionnel de présomption d’innocence par une logique de contrôle généralisé de la population. La Ligue des droits de l’Homme appelle les citoyens à s’opposer à cette prolifération des systèmes de surveillance invisible et à exiger que l’utilisation de ces équipements soit strictement encadrée, contrôlée et limitée aux situations dans lesquelles le maintien de l’ordre public la nécessite absolument. Paris, le 25 mars 2009 Article tiré de la page suivante: |
Pour approfondir le problème... |
Journal La Croix mardi 09/02/2010 Sécurité ou liberté, faut-il choisir ?. Les
Britanniques, champions européens de la vidéosurveillance. L'efficacité des 4,2 millions de caméras installées outre-Manche n'est pas prouvée. CCTV, les Britanniques sont familiers des initiales de la « Closed Circuit Television », c'est-à-dire la vidéosurveillance, dont ils sont les champions en Europe. Il suffit de lever le nez, surtout à Londres, pour repérer une des 4,2 millions de caméras installées dans le royaume : gares, centres commerciaux, entrées d'immeubles, écoles, rues privées, épiceries, pubs... Partout, on peut être filmé. Selon la « Stratégie officielle pour la CCTV» publiée en octobre 2007 par le ministère de l'intérieur, « à Londres, un individu peut être en moyenne filmé par 300 caméras différentes au cours d'une journée ». Le pays compte une caméra pour 14 personnes. Les Britanniques y sont globalement favorables, se sentant rassurés par ces yeux électroniques, surtout depuis les attentats de Londres qui ont fait 52 morts et 700 blessés en 2005. « Les caméras de surveillance sont populaires en Grande-Bretagne car elles sont présentées comme une technologie amie. Ce discours s'est développé dans les années 1990, à une époque où l'anxiété publique par rapport aux crimes était très forte », expliquait à La Croix, peu après ces attentats, Stephen Graham, vice-directeur de Surveillance & Society, entreprise spécialisée dans la vente de ces technologies. « Nous sommes maintenant arrivés à une anxiété inverse, ajoutait-il. Ceux qui ne sont pas couverts par un système de caméras de surveillance sont anxieux d'en être absents. » Ces outils sont-ils efficaces ? Scotland Yard a publié quelques statistiques : les CCTV de la capitale aideraient à arrêter 8 voleurs par mois, sur un total de 269 vols signalés. En 2008, elles auraient permis de résoudre l'enquête sur environ un millier de délits, soit 3 % des cas enregistrés. Elles ont permis d'élucider le meurtre, par empoisonnement en 2006, de l'espion russe Alexander Litvinenko. Elles ont identifié les kamikazes des attentats du 7 juillet 2005 à Londres. Elles permettent aussi aux municipalités d'envoyer des contraventions à ceux qui ont été filmés en train de laisser tomber des mégots ou des papiers sur la voie publique, de ne pas ramasser les déjections de leur chien ou de se garer indûment sur des parkings réservés aux handicapés. « Royaume de Big Brother », c'est ainsi que l'ONG Privacy International qualifie le pays, dénonçant d'importantes atteintes à la vie privée. La police peut avoir accès à tout film sur demande, et il n'y a pas de délai légal de conservation des images. Les mineurs peuvent être filmés dans les écoles, et les déplacements de véhicules (avec les plaques minéralogiques) sont enregistrés, sur tous les grands axes, villes, stations-service et ports. LACUBE Nathalie |